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Fiction « Vint le moment où la souffrance des autres ne suffit plus : il leur en fallut le spectacle » Dès la première ligne, Amélie Nothomb donne le ton du bijou de cynisme qu’est son Acide Sulfurique.
Imaginez que la téléréalité montre une atrocité fascinante, telle qu’aucun téléspectateur ne pourra détourner le regard. L’émission Concentration : des prisonniers, raflés au hasard parmi la population, sont placés en camp. Et filmés. Ils sont affamés, insultés et battus. Chaque jour, deux prisonniers sont choisis et tués sous le regard des caméras. Vient le point où les producteurs laissent au public le choix des condamnés. Les gens, croyez-vous, ne se laisseraient pas embarquer dans un vote si scandaleux… si ? Dans les baraquements, la nature humaine ressort dans ce qu’elle a de plus grotesque et de plus sublime. Comme il arrive parfois en pareilles épreuves, une femme se lève. Pannonique, matricule CKZ 114, tient sur ses épaules la dignité et l’humanité de ce camp. Les producteurs l’adorent. La plus infâme des kapos en tombe éperdument amoureuse. Les téléspectateurs, eux, sont de plus en plus nombreux… Pour ce court roman, Amélie Nothomb trempe sa plume dans l’acide sulfurique. Son originalité et son style très percutant donnent à lire une histoire rythmée et profonde par les réflexions qu’elle soulève. Plus qu’une simple critique de la téléréalité, ce roman dénonce le sadisme des différents regards portés sur la souffrance. Regarder Concentration « pour voir jusqu’où ils tomberont » puis se vautrer dans une condamnation inactive est-il moins coupable que tenir la matraque de kapo ? La voix caustique de Nothomb ne tranche pas. Elle ouvre une réflexion sur ce qui empêche l’humanité de sombrer en nous quand la bestialité nous entoure et nous crache au visage. « Vint le moment où la souffrance des autres ne suffit plus : il leur en fallut le spectacle. » Il n’y a rien à ajouter.
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